| - Foucault en Europe dans tous ses éclats
avec Andrew Barry, Hub Zwart, Colin Gordon, Yves Charles Zarka, Fernando Savater - La Chronique : le rendez-vous de Fernando Savater
Aujourd’hui, la réception d’une œuvre est souvent considérée comme faisant partie de cette œuvre elle-même. Quelques livres récents se sont penchés sur la manière dont nous, Français, avons lu et cru comprendre certains grands philosophes allemands – je pense au Nietzsche en France de Jacques Le Rider et à Heidegger en France de Dominique Janicaud. Car il y a sans doute des formes d’appropriation spécifiques à chaque culture. Si les grandes pensées sont tributaires du contexte historique et culturel sur le terreau duquel elles se sont formées, la manière dont elles sont lues par la suite est également conditionnée par la culture où elles sont transplantées. Il est évident que plus l’œuvre est riche, protéiforme, polysémique, plus elle est ouverte à des interprétations multiples, plus elle est susceptible de provoquer des lectures variées. Prenez l’œuvre de Michel Foucault, philosophe dont notre radio, France Culture, a décidé de célébrer cette semaine la disparition, il y a 20 ans. Voilà une pensée qui, parce qu’elle redoutait plus que tout les pièges de la systématisation, a produit des œuvres qui s’ingéniaient à prendre régulièrement à rebrousse-poil ses propres lecteurs. Non seulement, il y a un Foucault des technologies du pouvoir, qui intéresse les militants politiques, un Foucault qui cherche, derrière tous les discours de savoir, les dispositifs fondamentaux qui les déterminent secrètement et les distribuent entre eux, mais il y en a au moins un troisième qui travaille sur la production du sujet par lui-même. Pour cette émission qui s’intéresse à la vie intellectuelle en Europe et qui cherche à faire mieux connaître des manières de penser susceptibles de renouveler, chez nous, en France, les termes du débat, il était tentant d’aller voir comment on a reçu, compris, lu notre Michel Foucault national dans les autres pays d’Europe. Pour m’être déjà risqué à cet exercice pour un ultime numéro de la revue Le Monde des Débats qui n’a hélas, jamais vu le jour, je m’étais aperçu que le Foucault des autres ne ressemblait pas toujours à celui qu’on croyait connaître ici. Ainsi, nos amis italiens préfèrent le Foucault politique. C’est, sans doute, qu’ils l’ont découvert durant les années de plomb, alors que leur pays était secoué par une mini-guerre civile. Dans l’Europe du Nord, l’œuvre de Foucault inspire les travailleurs sociaux. En Allemagne, il est souvent étudié du côté de l’épistémologie et de l’histoire des idées. Logique. Mais saviez-vous qu’en Angleterre, la pensée de Foucault est invoquée par les spécialistes de la comptabilité et du contrôle de gestion. Depuis le livre de Hopper et Mcintosh, Management accounting as disciplinary practice, de nombreux travaux dans ce domaine sont placés sous le signe du Foucault de Surveiller et Punir. Cette émission n’a pas l’intention de pratiquer un aussi vaste tour d’horizon en une seule petite heure.  | Fernando Savater. philosophe espagnol | |  | Andrew Barry. professeur à Cambridge | |  | Hub Zwart. professeur à l'université de Nimègue | |  | Colin Gordon. spécialiste de Foucault | |  | Yves Charles Zarka. professeur de philosophie | | |