Kant : "sapere aude - ose penser !"

Publié le par jp

Publié dans La philosophie en vie

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O
La traduction que propose Kant est autorisée par le sens que nous citons sub 4°. D'ailleurs, même dans les attestations où sapio a un sens voisin de savoir, ce n'est pas au sens d'un savoir scientifique (« Je sais que le Blé est une Monoctylédone »), mais plutôt d'un savoir empirique au sens trivial (« Je sais où j'ai mis mon bonnet de nuit »), me semble-t-il. Au passage, on ne saurait dire « Monsieur » à un oyseaul, fût-il le plus savant d'entre eux.
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J
Merci Mr Oyseaulx, je n'aurais pas pu mieux répondre ! remarquons en passant que "ose savoir" ne veut rien dire en français, et que Kant donne sa propre traduction justement rappelée par JD : "Aie le courage de te servir de ton propre entendement!" Merci à tous les deux pour cette mise au point.
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O
Aucun glissement de sens, encore moins heideggérien (!). Ce n'est pas parce qu'on défend Heidegger contre des attaques inspirées par une mauvaise foi politique évidente dans un but politique inqualifiable qu'on se met à être soi-même heideggérien, fût-ce en Version latine. Sapio ne signifie nullement savoir, ou alors très secondairement, et, encore, les dictionnaires ne fournissent d'attestation que pour la langue préclassique (Plaute et Ennius). Sapio signifie : 1° avoir telle saveur ; 2° sentir, au sens de sentir le brûlé, par exemple ; 3° avoir du (bon) goût, en parlant de quelqu'un) ; 4° avoir de la pénétration, de l'intelligence, du jugement  (attesté dans Cicéron et dans César) ; c'est ce dernier sens qui autorisé la traduction reçue, parfaitement recevable, nous semble-t-il. Faut pas voir des nazis partout.
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J
Intéressant glissment. Le texte original de Kant dit juste:"Sapere aude! Aie le courage de te servir de ton propre entendement!"D'où vient "ose penser"? C'est une glose du traducteur, pour donner le sens du latin "Sapere aude". Mais bien sûr, "sapere aude" ne veut pas dire "ose penser", mais "ose savoir"! Alors pourquoi le traduire "ose penser"? Il y a deux hypothèses.La première est la plus charitable pour le traducteur. L'idée serait que, après tout, ce qui intéresse Kant dans ce texte c'est non pas temps qu'on sache, mais qu'on découvre la vérité par soi-même. Le texte porte sur le courage de penser par soi-même, pas celui d'affronter la vérité, par exemple. Il aurait choisi cette citation latine parce que c'était la plus approchante, mais idéalement il aurait préféré "cogitare aude" ou qqch dans le genre. Donc on peut 'traduire' "sapere aude" par "ose penser".Deuxième hypothèse, moins charitable mais intéressante, c'est que le traducteur rapproche Kant (intentionnellement ou à son insu) de traditions philosophiques récentes pour lesquelles la notion de connaissance est  suspecte. Par exemple de Heidegger, pour qui "penser" est radicalement distingué de "savoir": penser est ce que fait le philosophe, savoir est ce que fait le savant, et "la science ne pense pas". Dans cette tradition on aura tendance à dire que Kant avait tort quand il disait que la philosophie devait devenir une science, mais qu'il avait raison quand il disait qu'elle consistait à penser (par soi-même). Et on pourrait donc être tenté de faire ce glissement.
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R
texte limineux et salutaire! très interessant.Et très très d'actualité  dans l'époque actuelle ....
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